A ‘Au temps pour toi’, notre proposition pour renaitre du burn out est d’offrir à nos résidents un lieu de prise de recul, ancré dans la relation, la bienveillance et la solidarité.

Cette proposition, qu’apporte-t-elle aux personnes en burn out ?  Comment peut-elle être un élément de guérison du burn out, cet épuisement physique et mental ? Et puis, c’est quoi « prendre du recul » ?

Les réponses apportées dans le présent article relèvent évidemment de mon propre vécu et de mon expérience professionnelle dans l’accompagnement des personnes en burn out au sein de notre maison ‘Au temps pour toi’.

« Prendre du recul » … ça veut dire quoi ?

Prendre du recul, à mon sens, c’est se permettre un pas de côté, une prise de hauteur sur une situation donnée. Dans le cas du burn out, c’est aussi sortir de l’environnement dans lequel nous nous sommes épuisés, là où nous nous sommes blessés. Et se permettre, le temps d’une parenthèse plus ou moins longue, de mettre à distance l’environnement problématique mais aussi nos habitudes, nos automatismes, notre manière d’être au monde et aux autres pour n’avoir à répondre à rien d’autre qu’à nos propres besoins, loin des attentes des proches, loin des diktats de notre société et loin de nos propres injonctions. Et pourquoi pas, porter un autre regard sur le monde et sur soi…

L’arrêt de travail à la maison, c’est prendre du recul, non ?

Mais « l’arrêt de travail à la maison, il sert déjà à ça, non ? ». Oui, ça peut…en partie. Mais ce n’est pas toujours suffisant. Et ce, pour plusieurs raisons.

D’abord, lorsque l’on vit à proximité de son lieu de travail, ou dans la même ville par exemple, difficile de ne pas emprunter les mêmes lieux, de ne pas croiser des collègues, de ne pas prendre les mêmes transports en commun… inévitablement, une partie de l’environnement reste présent et peut susciter de la souffrance.

Ensuite, même si chez soi est ailleurs, se retrouver dans son environnement quotidien, avec ses obligations, ses habitudes, ses automatismes ne permet pas toujours de prendre de la hauteur sur ce qui vient d’être vécu. On peut aussi avoir du mal à assumer et accepter ce burn out et la confrontation aux voisins, aux amis, à la famille peut être compliquée à vivre.

Et puis avec l’essor du télétravail, l’ordinateur portable professionnel n’est jamais bien loin dans la maison !

Lorsque l’on est conjoint, parent, cohabitant, il est également difficile, même en arrêt de travail, de prendre ce temps pour soi, pour se reposer, se poser, s’écouter, laisser émerger. Et il est difficile de faire « autrement » avec nos proches qui attendent de nous ce que nous avions l’habitude de leur donner, que nous ne sommes pourtant plus en mesure de leur offrir, du moins pour le moment.

N’oublions pas aussi que le burn out peut également résulter d’une activité autre que professionnelle. Le burn out peut être parental, familial … et bien souvent une combinaison de tous ces aspects. L’arrêt de travail à la maison laisse alors la personne en burn out au sein même de l’environnement où elle s’est – au moins partiellement – épuisée.

Vous l’aurez compris, il est parfois nécessaire – voire vital – pour la personne en burn out de quitter pour quelques temps son lieu de vie afin de pouvoir prendre du recul : faire le pas de côté, ne vivre une période que pour soi et mettre à distance tout ce qui blesse, même involontairement.

Pourquoi prendre du recul loin des proches ?

Car, malgré toute leur bonne intention et tout leur amour, malheureusement, nos proches ne sont pas toujours des personnes ressources dans notre chemin de guérison du burn out. Cela arrive, heureusement, mais même dans ce cas, la prise de recul pourra être recherchée. Nous y reviendrons plus loin.

Prendre du recul peut donc s’avérer également nécessaire afin de s’éloigner des inquiétudes de nos proches.

Évidemment, en tant que conjoint, parent, enfant, amis…être témoin de l’état d’épuisement de son proche, c’est dur ! On le voit épuisé, affaibli, incapable d’effectuer des tâches si simples, lui ou elle qui était pourtant si volontaire, si fort.e ! On le voit pris d’angoisses, de questionnements, de doutes, de remises en question. Bien sûr que cela inquiète. Cela peut même faire peur. Et ça peut même réveiller des peurs personnelles. En tant que proche, on n’a dès lors plus qu’une seule hâte : retrouver notre parent, enfant, conjoint ou ami en bonne santé physique et mentale et le plus vite possible !

Et puis, si l’on partage le quotidien, on peut aussi se sentir dépassé, agacé, fatigué par l’état dans lequel se trouve le cohabitant qui du coup ne porte plus les tâches habituelles, n’est plus apte à épauler, aider, soutenir…

Que l’on soit inquiet, apeuré, excédé ou dépassé par ce proche en burn out que l’on aime tant, l’envie de le voir sortir de cet état au plus vite est très souvent et très humainement partagée par l’entourage, qui se sent d’ailleurs généralement impuissant.

Malheureusement, sentir que nos proches attendent impatiemment notre guérison, malgré toutes les bonnes intentions derrière, ça peut faire ressentir beaucoup de pression et de culpabilité à la personne en épuisement. Elle-même est déjà frustrée de ne plus être celle qu’elle était (ou croyait être), de ne plus pouvoir faire ce qu’elle faisait et porte aussi très souvent une grande culpabilité quant au temps d’arrêt que son état lui impose, elle-même n’ayant qu’une seule envie : sortir de cet état de souffrance au plus vite.

L’inquiétude des proches est dès lors souvent un élément duquel il est nécessaire de s’éloigner un temps, pour se permettre de vivre son chemin de guérison sans avoir à porter la pression, les peurs et le stress des autres, aussi aimant soient-ils, auxquels la personne en burn out n’est plus apte à faire face.

La prise de recul n’est certainement pas un acte de désamour pour son conjoint, ses enfants, ses parents, ses amis… Il s’agit en fait « juste » d’un acte d’amour pour soi, d’un acte de survie parfois ou d’un élan de retour vers la Vie qui doit passer par un temps de séparation afin de pouvoir n’Être qu’avec soi, que pour soi, le temps d’une parenthèse. Afin, ensuite, de pouvoir revenir plus justement dans ses relations humaines et aimantes, capable de réoffrir de soi à l’autre. Charité bien ordonnée ne peut commencer que par soi-même…

La prise de recul, qu’est-ce que ça apporte ?

A mon sens, la prise de recul apporte toujours quelque chose. Chacun y trouvera un apport différent, qui lui est propre et peut-être pas toujours celui qui était espéré, convoité ou imaginé. Et n’idéalisons pas la prise de recul…elle n’est pas tout le temps simple, douce ou confortable à vivre…mais elle est souvent porteuse d’une grande richesse.

On l’a vu, elle peut déjà permettre de sortir très concrètement de l’environnement dans lequel on s’est brulé les ailes. Blessé, épuisé. Elle permet de faire très concrètement un pas de côté et de mettre de la distance avec la situation et/ou l’environnement problématiques.

Ensuite, également déjà exprimé plus haut, la prise de recul peut offrir de s’éloigner de la pression involontaire portée par l’inquiétude des proches durant cette phase de vie compliquée.

Et puis, la prise de recul permet un vrai temps pour soi-même. Un temps que l’on a rarement l’occasion de s’octroyer dans le tumulte de la vie quotidienne. Un temps où la seule personne qui compte, c’est soi. Ni le conjoint, ni les enfants, ni les parents, ni même les amis… Prendre du recul, c’est aussi s’offrir la possibilité de se retrouver voire de se rencontrer. Pouvoir Être pleinement avec ce qui nous habite, avec notre état, avec nos émotions… Sans être parasité par notre quotidien et ses habitudes ou obligations.

Si ce temps de recul se vit au sein d’une communauté – comme c’est le cas à ‘Au temps pour toi’ – cela peut également être l’opportunité de se redécouvrir dans la relation aux Autres, mais des Autres qui n’ont aucune attente envers nous et qui ne nous connaissent pas… un jeu de miroir peut alors se mettre en place qui nous fait nous (re)découvrir…

Prendre du recul, c’est aussi l’occasion, par ce détachement du quotidien et de notre environnement, de sortir de nos habitudes et de nos automatismes. Se retrouver dans un lieu nouveau, peut-être une nature différente, des gens nouveaux…. C’est une invitation aussi à expérimenter différemment la Vie. Ces Autres qui m’entourent peuvent m’offrir une nouvelle vision sur la Vie, sur les événements vécus. Me faire découvrir d’autres manières de vivre, de dire, de faire, d’agir et d’interagir … Et tout cela peut nous autoriser à expérimenter différemment notre relation à soi, aux autres, ouvrir des perspectives, apporter des nouvelles ressources, idées…

Car dans cette prise de recul, on peut aussi expérimenter sans peur du regard, du jugement ou de l’incompréhension des proches (ou moins proches). Dans cette parenthèse, tout nous autorise à déconstruire nos habitudes, tester, essayer autrement.

Fondamentalement, je pense que la prise de recul permet in fine de se ressourcer et de venir nourrir notre Être, de lui ramener une vraie respiration et disons-le bêtement, de sortir le nez du guidon. Elle nous permet de porter notre attention sur d’autres éléments que la problématique qui nous accapare le corps et l’esprit : nature, habitat différent, quotidien à inventer…

Et je pense que lorsque l’on s’autorise, le temps de cette parenthèse, à sortir de la recherche incessante de solutions à notre souffrance, alors c’est là que la prise de recul a selon moi le plus de bénéfices. On se permet alors à être dans le présent et à se laisser traverser par la Vie elle-même. Lorsque ce lâcher-prise est possible, on donne alors du temps à ce qui doit émerger en nous, à l’accueillir. Et on peut alors, par cette prise de hauteur, déposer un nouveau regard sur ce qui a été vécu, sur ce que l’on traverse, sur Soi, les Autres et la Vie elle-même.

Comment et où prendre du recul pendant son burn out ?

Il n’existe pas qu’une seule manière de prendre du recul. Chacun, selon son histoire, sa personnalité, au vu des opportunités, des besoins, des contraintes, des envies qui s’expriment pourra être appelé à vivre une prise de recul sous une forme ou une autre.

Certains auront besoin de vivre cette prise de recul dans la solitude voire même dans le silence. Il pourra alors s’agir de prendre un temps de quelques jours, semaines, … dans un gîte, une maison de vacances inoccupée ou encore dans une abbaye, dans un lieu de retraite, …

D’autres auront besoin d’être entourés tout en conservant leur pleine autonomie et indépendance : congé au sein d’une chambre d’hôtes, d’un hôtel par exemple.

Pour d’autres encore, le besoin peut être de se sentir entouré mais aussi soutenu, entendu, compris. Et sortir de la solitude rencontrée dans cet arrêt de travail à la maison. Il y a alors lieu de se diriger dans un espace où la prise de recul et la fragilité pourront être accueillies. Cela peut parfois se vivre en allant chez des amis, des proches qui sont des personnes ressources pour nous si elles s’en sentent capables. Ou dans un lieu d’accueil tel qu’’Au temps pour toi’. La prise de recul se fait alors par l’éloignement géographique, le temps que l’on s’accorde pour soi mais aussi par la relation avec l’Autre et à la solidarité.

Certains pourraient aussi ressentir le besoin d’être accompagné par des professionnels de la santé dans ce temps de recul. Médecin, thérapeutes, soignants qui peuvent alors apporter un soutien professionnel ciblé selon l’état et le besoin ressenti. Dans ce cas, on pourra s’orienter vers des cliniques spécialisées en santé mentale. Ou encore trouver des lieux qui proposent des stages ou des séjours thérapeutiques. Ou encore des cures thermales …

Enfin, pour ceux qui ont conservé ou retrouvé une certaine énergie physique dans ce chemin de guérison du burn out, la prise de recul peut aussi se vivre dans un besoin de mouvement, de rencontres… Aller marcher sur Compostelle, effectuer un voyage à l’étranger….

Et sans doute encore plein d’autres options possibles…

Ce qui de mon expérience semble tout de même être un atout dans la prise de recul : un environnement proche de la nature. Campagne, bord de mer, forêt, montagnes… La nature est propice au calme, à la Vie intérieure et à la contemplation. Elle nourrit aussi et apaise. Elle peut vraiment être un élément important sur le chemin de la guérison, alors surtout, ne vous en privez pas !

Et lorsque notre situation ne nous permet pas de prendre un temps de recul dans un autre environnement, aller chercher cette nature auprès de soi peut déjà apporter des petites pauses et permettre de prendre un peu de recul dans la semaine, dans les journées. Tout est bon à prendre : parcs, forêts, jardins… tous ces instants peuvent être riches de ressourcement, ne nous en privons pas !